La faim d’azote – Causes et solutions

Nous sommes au printemps et vos plants souffrent de faim d’azote

De quoi parlons-nous au juste ? Et comment éviter cela ? C’est ce que nous allons voir dans cet article.

Commençons déjà par situer le contexte.

Vos semis directs, ou vos jolis plants, une fois mis en place dans le potager, ne se développent plus (ou très peu) et jaunissent rapidement…

Vous aviez pourtant tout bien préparé et ne comprenez pas ce qui se passe.

Comme de nombreux jardiniers, vous pensez peut-être à un manque au niveau de la fertilisation ?

Mais là n’est sans doute pas la cause (une jeune plantule a en réalité des besoins encore très faibles en termes de fertilisation et se satisfera en général des éléments présents dans le sol).

Non.

La cause la plus probable est bien une “faim d’azote”, un phénomène trop fréquent en jardinage naturel (car lié à l’utilisation de matières organiques).

Mais avant d’examiner les causes de ce phénomène, et de tenter d’y remédier, commençons par nous pencher sur l’azote.

Azote : définition et utilité

Prenons ici la définition du Larousse :

  • Corps gazeux (N2) à la température ordinaire, qui constitue environ les quatre cinquièmes en volume de l’air atmosphérique (élément chimique de symbole N).
  • Élément constitutif fondamental de la matière vivante, au même titre que le carbone, l’oxygène et l’hydrogène.

En agriculture, l’azote est un élément indispensable au développement de la végétation.

Il peut être apporté soit chimiquement (c’est le N du fameux NPK des engrais chimiques), soit naturellement (matières organiques d’origine végétale ou animale, urines, purins…).

Les légumes-feuilles, les légumes-fruits ou même les légumes fleurs ont des besoins considérables en azote.

Ces besoins sont moindres pour les légumes racines (tout ceci est développé dans Mon Potager au Naturel).

Qu’est-ce que la faim d’azote ?

Reprenons la définition proposée par Wikipédia :

“En agronomie, la « faim d’azote » ou encore appelée effet dépressif est une utilisation de l’azote du sol par les micro-organismes qu’il contient, pour décomposer un apport récent de matière organique déposé en surface ou enfoui dans le sol, lorsque cet apport se révèle trop riche en carbone et trop pauvre en azote (branches, feuilles, compost trop ligneux …).

La décomposition de la matière organique insuffisamment mûre et mal décomposée, avec un rapport C/N trop élevé, va mobiliser temporairement l’azote du sol aux dépens des plantes en place, en particulier pour les jeunes plantes.

Ce sont les champignons et les bactéries, à l’origine de ce processus naturel de minéralisation, qui vont puiser l’azote. Cette carence provisoire d’azote dans les cultures se manifeste par un arrêt de la croissance des plantes et parfois un jaunissement du feuillage (chlorose). L’effet dépressif n’est que provisoire : il dure autour de 6 mois. Il prend fin lorsque toutes les matières organiques sont bien décomposées, transformées en humus. Les micro-organismes meurent alors en restituant l’azote qu’ils ont utilisé.”

En résumé, disons qu’il s’agit d’une conséquence de la concurrence des besoins en azote pour la décomposition des matières organiques et les besoins en azote pour le développement des plantes cultivées.

Il ne s’agit pas à proprement parler d’une carence en azote au niveau du sol (Un sol bien pourvu en azote peut néanmoins subir une faim d’azote), mais plutôt d’une indisponibilité de cet élément pour les cultures.

Je formulerais 2 remarques par rapport à la définition proposée sur Wikipédia :

  • S’il est vrai qu’une faim d’azote demeure possible avec des matières organiques déposées sur le sol, elle est quand même plus rare, et surtout moins durable qu’en cas d’incorporation ;
  • La durée de l’effet dépressif est extrêmement variable, car dépendant des matériaux, du type de sol, du climat et du temps, de la profondeur d’enfouissement… En réalité, l’indisponibilité de l’azote peut durer de quelques jours à plusieurs années (le sol n’arrivant pas à “digérer” les matières organiques). Dire que cela dure environ 6 mois n’a donc pas vraiment de sens.

Quelles en sont les causes d’une faim d’azote ?

Les matières organiques ligneuses

Les matières organiques ligneuses (ou carbonées) non décomposées et incorporées dans le sol sont la cause majeure de ce phénomène.

Voici un petit tableau classant les matières organiques, selon qu’elles soient azotés (matériaux verts), carbonées (matériaux bruns ou ligneux) ou plutôt équilibrées :

 

Matériaux riches en azoteMatériaux riches en carbone Matériaux équilibrés
  • engrais verts
  • foin
  • fumiers sans paille
  • déchets de la cuisine
  • tontes de jardin
  • déchets du jardin
 
  • pailles
  • sciure de bois
  • feuilles de chêne, de bouleau ou d’érable
  • branchages
  • tourbe
  • papiers

 

  • fumier avec paille
  •  marc de café
  • feuilles d’aulne ou de hêtre
  • fanes de pommes de terre
  • BRF

 

Or, ces parties ligneuses se décomposent plus difficilement que les parties vertes.

Concrètement, les micro-organismes normalement chargés de libérer les éléments nutritifs présents (dont l’azote) dans le sol pour les mettre à disposition des plantes cultivées, seront alors accaparés à la décomposition de ces matières ligneuses.

Aussi, le temps de la décomposition de ces matières ligneuses, l’azote n’est pas libéré et n’est pas disponible pour les plantes…

En conséquence de quoi, la plante cultivée n’aura pas d’azote à disposition… et risque de mal démarrer, voire de ne jamais se développer correctement si le phénomène est important (par exemple avec des quantités conséquentes de matières non décomposées dans un sol froid).

Soyons clairs.

Il ne s’agit pas ici de se passer de ces matériaux ligneux, indispensables à l’obtention d’une terre vivante et fertile.

Mais ces apports doivent obéir à certaines règles (poursuivez votre lecture, vous saurez tout)…

Un sol froid

Ajoutons à cela le fait qu’au printemps, un sol est souvent encore froid.

C’est là une autre cause fréquente.

Aussi, semer ou planter trop tôt, sur un sol froid, n’est pas une bonne chose… Mieux vaut patienter et implanter vos cultures sur un sol déjà bien réchauffé.

Et surtout, comme nous allons le voir ci-dessous, ne paillez pas trop tôt !

Comment éviter la faim d’azote ?

N’enfouissez pas les matières organiques

Dans le sol, les matières organiques non décomposées, faute d’oxygène, auront bien du mal à se décomposer.

Et, même si une (légère) carence, plutôt liée au manque de réchauffement du sol, peut avoir lieu avec des matières organiques simplement apportées en couverture du sol, le phénomène sera d’autant plus long et conséquent lorsque les matières organiques (ligneuses) sont enfouies.

La leçon à en tirer est on ne peut plus simple : laissez les matières organiques non décomposées en surface.

Apportez des matériaux azotés avant la culture

Nous l’avons vu dans la définition : ce phénomène d’indisponibilité en azote résulte quelque part d’un déséquilibre entre matériaux carbonés (trop importants) et matériaux azotés (trop peu nombreux).

Nous allons donc pouvoir éviter cela en apportant des matières organiques azotées préalablement à la culture.

Mais distinguons ici plusieurs cas de figure :

 

Cultures “classiques” sur terre travaillée

Des déchets verts (tontes, résidus végétaux de cuisine ou du jardin), du compost ou un fumier bien composté, simplement épandus sur le sol, préalablement à une couverture plus ligneuse (paille, feuilles mortes, BRF) équilibreront les choses au niveau du sol.

Les risques seront alors bien minimes.

Mais voyez plutôt la petite vidéo sur le paillage progressif (méthode répondant parfaitement à ces impératifs).

 

 

 

Cultures sur planches en couverture permanente

Vous pouvez aussi bien évidemment partir d’une couverture permanente du sol.

Dans la même optique d’équilibre, et donc pour limiter les risques, cette couverture permanente alternera matériaux azotés et matériaux carbonés.

Effectuez les apports de matériaux ligneux (feuilles mortes, paille, BRF) de préférence en l’automne.

Au printemps, apportez régulièrement des matériaux azotés par-dessus le paillage.

 

Cultures sur buttes vivantes

Des cultures implantées dans une butte vivante préparée tardivement (c’est-à-dire au printemps), donc peu évoluée à la mise en place des cultures, risquent aussi de manquer d’azote.

Pour cette raison, il est de loin préférable de démarrer la constitution des buttes à l’automne.

A défaut, aménagez des trous de plantation enrichis de compost.

Des apports azotés pour compenser le phénomène pourront également être utiles (voir plus bas)

 

Cultures avec du BRF

Bien qu’en général classé dans les matériaux équilibrés (s’agissant de branches jeunes, l’azote y est très présent), un BRF reste un matériau relativement ligneux.

Plusieurs années de tests m’ont confirmé qu’un BRF enfoui entraînait, tout au moins chez moi, presque systématiquement une indisponibilité de l’azote pour les cultures.

Alors qu’en l’apportant en couverture, sur sol déjà bien réchauffé (fin mai ou juin), je n’ai jamais eu de problème.

Toutefois, par sécurité, il peut là aussi être judicieux d’effectuer quelques apports azotés préalablement à la mise en place du BRF :

  • Culture d’un engrais vert de légumineuses à l’automne précédent (voir ci-dessous) ;
  • Apport de compost mûr ;
  • Apport de fumier (frais si apport à l’automne, mais bien décomposé si apport au printemps) ;
  • Apport de matériaux verts (azotés) : tontes, feuilles d’orties, feuilles de consoude, déchets verts de cuisine…

 

Cultures après un engrais vert

Une carence en azote après une culture d’engrais verts ?

C’est un comble !

Un engrais vert, et plus particulièrement s’il est composé de légumineuses, est censé apporter de l’azote.

Certes…

Mais les engrais verts, en fin de cycle (ou presque), auront également produit, en particulier dans les tiges, des matières carbonées, ligneuses…

Et si vous enfouissez cet engrais vert juste avant de semer ou planter, le phénomène est fort probable.

Voici ce que je vous recommande :

  • Fauchez l’engrais vert en laissant les racines dans le sol (Elles sont très utiles à la vie du sol… Il serait donc dommage de l’en priver) ;
  • Apportez éventuellement du compost pour favoriser à la fois le réchauffement du sol et la décomposition des matières organiques ligneuses ;
  • Attendez que les matières organiques soient décomposées avant de semer ou de planter OU écartez l’engrais vert si vous devez semer ou planter de suite (vous pourrez le ramener en paillage au pied des cultures un peu plus tard).

 

Ne paillez pas trop tôt

Faim d'azote sur plant de pommes de terre
Plant de pommes de terre subissant une faim d’azote, vraisemblablement due à un paillage trop précoce

Un paillage mis en place sur un sol encore froid, nuira au réchauffement de ce dernier, engendrant ainsi possiblement une carence en azote.

En effet, dans un sol froid, la minéralisation de l’humus, assurée notamment par des enzymes, sera défectueuse.

Aussi, même si une faim d’azote liée à un sol froid sera moins durable que si elle était liée à des matières ligneuses non décomposées (et prendra fin dès que le sol se réchauffera), mieux vaut ne pas pailler trop tôt.

Comment corriger une faim d’azote ?

Les précautions préventives précédentes sont de loin préférables…

Mais si vous n’avez pas respecté ces mesures préventives, ou si malgré cela, vos cultures jaunissent par manque d’azote, vous pouvez essayer de compenser par des apports azotés, non-organiques, rapidement assimilables.

Je pense ici au purin d’ortie, au purin de consoude (moins riche que l’ortie, mais néanmoins bien pourvu en azote et plus équilibré), à l’urine ou encore des engrais azotés tels que du tourteau de ricin, du guano, du sang desséché, ou encore de la corne broyée.

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