Faut-il enfouir les matières organiques au jardin ?

Doit-on enfouir les matières organiques ou non ?

Comme de nombreux jardiniers en permaculture, vous vous posez sans doute ce genre de questions :

  • Faut-il incorporer des rondins de bois, ou des branchages ou du BRF au sol de mon jardin ?
  • Dois-je mélanger le fumier, ou le compost, à la terre du potager ?
  • Peut-on y enfouir les feuilles mortes ?

Et si vous interrogez votre voisin ou un moteur de recherche, il y a fort à parier que vous aurez des réponses totalement contradictoires…

Ces questions s’avèrent, en effet, très controversées ; voire parfois sujettes à de véritables pugilats (heureusement virtuels).

Pourtant, en observant tout cela avec un minimum de recul, on peut fréquemment s’apercevoir que les protagonistes se figent sur leurs certitudes (ou dogmes), omettant des données pourtant essentielles.

Ces controverses seraient insignifiantes si elles n’avaient pas pour effet de perturber sérieusement de nombreux jardiniers, qui ne savent alors plus à quel saint se vouer… Ou rediffusent à leur tour certaines “fausses vérités”.

Nous sommes pourtant tous d’accord pour affirmer que les matières organiques, en se décomposant, vont participer au développement de la vie dans le sol, et donc à la fertilité de celui-ci.

Le faire correctement est donc primordial.

Dans cet objectif d’une terre vivante et fertile, et donc de récoltes abondantes, et plutôt que d’entrer également dans de stériles polémiques, nous allons commencer ici par essayer d’énoncer le problème de façon plus précise :

  • Prenons-nous en compte le climat et la météo ?
  • S’agit-il d’enfouir ces matières organiques dans le sol ou de les intégrer à une butte vivante ?
  • Parle-t-on de matières décomposées ou non ?

Mais commençons par observer ce qui se passe dans la Nature.

L’exemple de la Nature

Observons ce qui se passe dans une forêt.

Les débris végétaux (feuilles mortes, branchages tombés à terre par le vent ou une autre cause, vieilles branches mortes), les excréments animaux ou même les cadavres ne sont évidemment pas enfouis… Du moins pas de suite.

Ils vont se décomposer, lentement et progressivement, pour se transformer peu à peu en ce que l’on appelle humus.

Notons néanmoins que cet humus, par l’action des vers de terre et autres organismes vivants, notamment des champignons, s’intégrera peu à peu au sol… (une constatation qui nous servira par la suite…).

Pourquoi ne pas enfouir les matières organiques ?

Les défenseurs du non-enfouissement nous expliquent, à juste titre, que les matières organiques brutes ont besoin d’air pour se décomposer.

S’appuyant ensuite notamment sur certains propos de Claude  Bourguignon, ils affirment alors qu’il ne faut en aucun cas enfouir les matières organiques.

Mais voyons précisément ce que dit cet agronome à ce sujet :

“Je redis ce que j’ai toujours dit la technique du bois enfoui dans les buttes fonctionne avec des sols sableux ou limoneux, mais dans le cas de sols lourds, argileux et froids ce n’est pas le cas, cela demande un travail de drainage qui ne vaut pas le coup. Il est d’ailleurs intéressant de voir que c’est une pratique traditionnelle au Cameroun sur sol sableux et en milieu chaud.”.

En zone sahélienne, c’est-à-dire en climat très sec, couplé à un sol sableux et pauvre en matière organique, enterrer du bois pourri se justifie, car il faut savoir que la cellulose sous la terre stocke l’eau. Ainsi, le peu de pluie tombée sera retenu plus longtemps dans le sol et moins soumis à l’évaporation.

À la question de Christophe Gatineau “Est-ce un plus d’enterrer des bois secs ou verts dans ces terroirs ?”, Claude Bourguignon répond “Surtout pas, ni vert ni sec, seulement des bois qui ont été préalablement attaqués par les champignons et les termites, des bois en état de décomposition avancée, c’est-à-dire mous et spongieux. En France, enterrer du bois décomposé peut éventuellement se justifier dans l’Aude – #Philip Forrer – mais ne faites surtout pas ça en Limousin, en Normandie ou ailleurs !”*

(*source : https://www.lejardinvivant.fr/)

Tiens donc… On peut donc comprendre que si le bois est déjà en cours de décomposition au moment de l’enfouissement, le procédé de décomposition continuera… qu’il y ait de l’air ou pas.

Et nous pouvons d’ores et déjà comprendre que Claude Bourguignon ne dit absolument pas qu’il ne faut jamais enterrer de matières organiques. Il soumet simplement cette pratique à certaines conditions de sol et de climat.

L’importance du climat et du sol

Plus un climat est froid, moins il y a de vie dans un sol. Qui plus est lorsque ce sol est aussi froid (ce qui est le cas des sols lourds, tout au moins sous nos contrées).

Dès lors, faute d’activité suffisante des vers de terre et autres organismes vivant dans le sol, les matières organiques brutes auront beaucoup de mal à se décomposer.

En sol compact et climat froid, je vous déconseille donc plutôt l’enfouissement des matières organiques.

Alors que sous un climat chaud, et à fortiori avec un sol léger, incoporer au sol des matériaux organiques est tout à fait envisageable. C’est même probablement souvent une bonne chose. Le bois, notamment, va permettre de conserver l’eau et donc de pouvoir la restituer aux cultures.

Nous sommes d’accord…

Toutefois, si nous reprenons les propos de Claude Bourguignon, les choses sont un peu “floues”: on parle d’enfouir le bois dans le sol (sous les buttes) ou d’intégration à des buttes ? Ce n’est pas vraiment la même chose…

Le cas particulier des buttes ?

Certains “permaculteurs” (comme Philip Forrer par exemple – voir la vidéo ci-dessous) enfouissent du bois en cours de décomposition dans le sol. Son climat -Aude- est plutôt chaud. Mais, bien entendu, il constituent les buttes par-dessus, hors-sol.

 

 

Nous l’avons compris, enfouir les matières organiques dans le sol peut être risqué… Et cela nécessite un travail considérable (creuser une fosse et la remplir de bois mort).

Raison pour laquelle, nombre de permaculteurs n’enfouissent pas le bois comme le fait Philip Forrer. Ils le placent au-dessus du sol (comme base des buttes). Je procède d’ailleurs ainsi pour mes buttes-lasagnes.

Mais venons-en justement aux buttes elles-mêmes, qui, par définition, se situent au-dessus du sol…

Étant hors-sol, les matières organiques constituant une butte vivante ne sont pas soumises aux mêmes règles que si elles étaient enfouies dans la terre elle-même. On ne parle pas de la même chose !

Il y a en effet de l’air… Et du fait des nombreuses matières organiques la constituant, une vie intense, pas vraiment dépendante du type de sol. Les champignons “décomposeurs” sont également présents.

La décomposition est dès lors tout à fait possible…

Et les jardiniers ayant déjà constitué des buttes de cultures ne peuvent que le confirmer. La vie est bien présente et la décomposition a lieu.

Mais considérons cela plus en détail en vidéo :

 

Dans quels cas est-il possible d’enterrer ses déchets organiques ?

Le problème qui se pose donc est celui de la décomposition des matières organiques dans le sol.

Mais, bien évidemment, avec des déchets organiques déjà parfaitement décomposés, cette problématique de décomposition ne se pose pas !

Compost et humus peuvent donc être intégrés au sol. C’est d’ailleurs ce que vont finalement faire les vers de terre ou autres micro-organismes en forêt…

Quel en est l’intérêt ? Mettre directement à disposition des éléments nutritifs à disposition des plantes cultivées, afin de favoriser le développement initial des plants ou semis directs.

Ceci est tout à fait discutable. On peut là encore accepter le rythme naturel des choses. Et, d’une manière générale, je pense que c’est finalement préférable.

Je dirais donc que, même s’il est tout à fait possible d’enfouir du compost dans la terre, ce n’est absolument pas nécessaire.

Résumons

Nous voyons donc 3 cas de figure :

  • Matières organiques non décomposées : à priori, ne les enfouissez pas dans le sol sous nos latitudes, et encore moins si ce sol est froid… Mais rien de vous empêche d’effectuer un petit test…
  • Matières organiques décomposées : l’enfouissement est possible pour favoriser le développement initial des cultures. Personnellement, je mélange ainsi un peu de compost à la terre lors de mes plantations de tomates ou autres légumes gourmands, ainsi que pour les fruitiers. Cette nourriture est ainsi plus rapidement disponible pour le développement initial des plants…
  • Buttes vivantes : les matières organiques sont soumises à l’air… Donc la décomposition aura bien lieu, que ces matières soient initialement décomposées ou non. L’intégration (ce terme me semble plus approprié que celui d’enfouissement) de matières organiques brutes, telles que des troncs ou des branchages, est alors tout à fait possible. Et je constate par exemple que, dans mes buttes-lasagnes, les matériaux les plus durs finissent bien par se décomposer.

Quoi qu’il en soit, ne fonçons pas tête baissée. Chaque climat, chaque sol et chaque écosystème sont différents.

La problématique d’enfouissement des matières organiques est en réalité bien complexe. Et il n’y a donc pas de vérité universelle qui serait applicable partout.

Évitons le sectarisme quel qu’il soit… et gardons au contraire un esprit ouvert.

Et rien ne vous empêche d’effectuer un essai sur quelques m²…

Un seul conseil donc : expérimentez !

Et si vous avez besoin d’aide pour prendre les bonnes décisions, je suis à votre disposition.

 

Évidemment, ce que j’expose ici est un avis personnel… Un avis à discuter et enrichir des expériences de chacun. Vos commentaires sont donc bienvenus ci-dessous.

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