Je reçois fréquemment des questions concernant l’huile de neem. Et pour cause, ce produit d’origine naturelle est présenté par certains comme « La solution » biologique pour protéger ses cultures d’insectes ravageurs. Alors, oui, l’huile de neem est efficace… Mais, au même titre que les néonicotinoïdes, et même si à un degré moindre, cet insecticide n’est pas sans danger pour les abeilles.
Dans cet article, nous essayerons de faire le point sur ces 2 produits et leurs conséquences sur la vie des abeilles, et plus largement de la vie en général.
Commençons par l’huile de neem.
L’huile de neem

Qu’est-ce que l’huile de neem ?
L’huile de neem est issue du pressage des fruits et des graines de margousier.
Le margousier, aussi appelé neem (Azadirachta indica), est un arbre originaire d’Inde, bien connu pour ses propriétés médicinales et insecticides. Il pousse principalement dans les régions tropicales et subtropicales.
Notez que le margousier n’est pas adapté aux climats tempérés comme celui de la France métropolitaine. Les produits que l’on trouve en Europe sont donc importés.
On utilise principalement l’huile de neem pour les soins de la peau, mais aussi comme insectifuge (répulsif, à faible dose) ou insecticide (létal).
L’huile de neem est-elle toxique pour les abeilles ?
Son principe actif, l’azadirachtine, perturbe la croissance des insectes ravageurs tout en étant relativement doux pour les auxiliaires du jardin. C’est du moins comme cela qu’est présentée l’huile de neem par ceux qui la commercialisent…
L’huile de neem peut effectivement être toxique pour les abeilles, notamment selon les circonstances d’utilisation. Voici les faits scientifiquement établis.
Toxicité selon la concentration et le stade
- Dans une étude de 2022 (sources ici : Indian Journal of Entomology) sur les larves d’Apis mellifera, des concentrations à 0,05 % – 0,1 % n’avaient pas d’effet nocif notable, mais à 1 %, la mortalité larvaire et la mortalité des adultes ont fortement augmenté (p < 0,05).
- Des tests plus anciens (J. Econ. Entomol., 2000) montrent que des formulations riches en azadirachtine (> 0,01 mg/ml) repoussent les abeilles, réduisent leur alimentation, et provoquent jusqu’à 10 % de mortalité si appliquées directement.
Effets en colonies et en conditions réelles
- En essai de terrain, une application répétée de neem dans la ruche contrôlait les parasites (Varroa) mais réduisait le nombre de couvain scellé de 50 % et entraînait parfois la perte de la reine à doses élevées. Même si le but était ici de protéger les abeilles du varroa, avec un produit naturel, on ne peut que noter la nocivité de l’huile de neem pour ces indispensables pollinisatrices…
- Des revues récentes indiquent que l’azadirachtine est toxique aux abeilles, avec des effets sublétaux (altérations du vol, immunité, activité locomotrice) dès de faibles doses.
Ce que disent les jardiniers (témoignages pratiques)
Des utilisateurs sur Reddit mettent en garde :
- « L’huile de Neem pulvérisé directement sur les abeilles peut les étouffer. »
- « L’étiquette indique qu’il est toxique pour les abeilles… même appliqué correctement. »
Certains notent par contre que l’application le soir ou hors floraison semble minimiser les risques.
Et en dehors des abeilles ?
L’azadirachtine reste moins toxique que la plupart des pesticides synthétiques, mais elle n’est pas sans risque pour les organismes aquatiques. Dès quelques µg/L, elle peut provoquer des mortalités, altérer les comportements, et perturber des équilibres écologiques locaux (source : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25847134/). Une utilisation trop libérale, surtout à proximité des plans d’eau, peut avoir des conséquences durables sur le zooplancton, les poissons ou les algues.
Ajoutons à cela de possibles effets sur la santé humaine…, En effet, bien que cela ne soit pas encore scientifiquement établi (tout au moins je n’ai rien trouvé de tangible à ce sujet), on peut lire ici ou là que l’azadirachtine était un perturbateur endocrinien.
Bien. Nous avons établi ici que l’huile de neem était nocive pour les abeilles. Mais a t-on le droit d’en utiliser pour les cultures ?
Que dit la réglementation ?
Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il est bien complexe de faire le point sur la réglementation concernant l’huile de neem.
J’ai passé énormément de temps en recherches… dont les aboutissants se contredisaient fréquemment… je pense néanmoins avoir finalement pu en déterminer les points essentiels… que voici :
Autorisation de mise sur le marché (AMM) européen
La Commission Européenne a tout d’abord (décision 2008/941/CE du 8 décembre 2008) refusé l’inscription de l’azadirachtine (substance active de l’Huile de neem) à l’annexe I de la directive 91/414/CEE. Cette absence d’inscription signifie l’interdiction d’utiliser cette substance dans toute préparation bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché comme produit phytopharmaceutique.
Puis, en 2011, sous la pression de lobbies du bio*, l’azadirachtine a été réinscrite à l’annexe du règlement 1107/2009, autorisant les États‑membres à délivrer des AMM (autorisations de mise sur le marché) après évaluation réglementaire (directive d’exécution 2011/44/UE).
Mais, même si la substance est désormais inscrite, l’autorisation reste dépendante d’une AMM nationale délivrée sur dossier ANSES ou par reconnaissance d’une autorisation délivrée dans un autre État membre.
*Ça me fait un peu mal d’écrire cela, moi qui ai toujours soutenu l’Agriculture Biologique… car bien qu’imparfaite (utilisation possible – mais pas systématique… beaucoup de « petits » agriculteurs bio s’en abstiennent – de bouillie bordelaise ou de chaux, des produits étant, à doses élevées, nocifs pour les sols ; ou encore de quelques rares produits de traitements nuisant à la biodiversité, comme celui dont nous parlons ici), je pense que ça reste toujours mieux que de détruire irrémédiablement les sols et la biodiversité avec toute une panoplie d’engrais et de pesticides chimiques, sans parler de notre santé… Précisons aussi que, quand l’on parle de lobbies, il s’agit évidemment, à l’instar de la FNSEA dont il sera question plus bas, de protagonistes pesant particulièrement lourd sur le marché… qui sont rarement des maraîchers sur petits surface écoulant leurs productions en direct, mais plutôt des industriels du bio.
huile-de-neemPas d’AMM en France…
Aucune AMM standard permanente n’a été accordée en France pour des produits phytopharmaceutiques contenant de l’azadirachtine.
Contrairement à d’autres pays européens (Allemagne, Italie, Espagne), la France n’a pas délivré d’homologation nationale pour une mise sur le marché classique. Par conséquent, en France, son usage comme insecticide est interdit en agriculture, maraîchage, jardinage, espaces verts, serres.
… Mais des autorisations provisoires très règlementées
Il peut toutefois y avoir des autorisations provisoires, à des fins bien spécifiques comme en témoigne par exemple le document ci-dessous (autorisation provisoire, du 15 février au 15 juin 2025, pour certaines cultures fruitières) :
2025-038-DECISION-NEEMAZAL-fruits à pépins-fruits à noyau-VSignée
En résumé, bien que l’huile de neem soit disponible en France pour des usages non phytosanitaires, son utilisation en jardinage et en agriculture comme insecticide ou acaricide n’est pas autorisée par la réglementation française. Les utilisateurs potentiels doivent être conscients des implications légales et environnementales associées à son emploi. Et c’est bien là le but de cet article.
Personnellement, il est hors de question que j’utilise un produit pouvant nuire notamment aux abeilles…
Au départ, j’avais prévu de consacrer cet article uniquement à l’huile de neem… Mais je ne pouvais passer sous silence un produit dont on parle beaucoup en ce moment…
ET que dire des néonicotinoïdes à nouveau autorisés ?

Malheureusement, nos élus, cédant aux lobbies de l’industrie agro-alimentaire, par le biais de la FNSEA (qui ne défend que ses intérêts propres, certainement pas ceux des « petits agriculteurs, qui en sont et en seront donc à nouveau les premières victimes : infertilité, cancer, etc.), et sous prétexte de « lever les contraintes liées au métier d’agriculteur » ont cru bon d’autoriser à nouveau, avec la loi Duplomb, un produit, un néonicotinoïde (l’acétamipride), hautement toxique non seulement pour les abeilles, mais aussi pour les humains.
Quand on entend ce sénateur Duplomb, à l’origine de cette loi scélérate, lui-même « syndicaliste » FNSEA et agro-industriel (notamment ex président régional du groupe laitier Sodiaal, 5.5 milliards de CA en 2022…), dire que sans cette loi, ce serait la mort de l’agriculture, il y a de quoi crier au scandale (ce qui n’autorise par pour autant qui que ce soit à menacer les députés ayant voté cette loi… ou pire leurs familles…).
Si vous ne l’avez pas encore fait, je vous invite fortement à peser sur les débats (même si cela a finalement peu de chance d’aboutir), en signant vous-aussi cette pétition déjà signé par plus de 2 millions de français : https://petitions.assemblee-nationale.fr/initiatives/i-3014
Maj du 7 août 2025 : la loi Duplomd a… du plomb de l’aile !
L’article de la loi Duplomb concernant les néonicotinoïdes vient d’être retoqué par le Conseil Constitutionnel, au nom de la préservation de la biodiversité !
Une grande victoire pour tous : abeilles, apiculteurs, citoyens… et agriculteurs (certains s’en offusquent bien sûr déjà et prétendent que les écologistes ne proposent aucune alternative – ben si… une agriculture à taille humaine respectueuse de la biodiversité, qui existe et a déjà fait ses preuves – Mais peut-être nous remercieront ils plus tard de les avoir préservés d’un cancer…)
Quels sont les alternatives à l’huile de neem et aux néonicotinoïdes ?
Préserver les équilibres naturels
Plutôt que de chercher à lutter désespérément contre un « ravageur », commençons déjà par créer, ou même simplement préserver au mieux, des conditions propices au développement d’une faune variée.
Car un animal ne devient un ravageur que lorsqu’il se trouve en trop grand nombre. Et qu’il n’a plus aucun prédateur naturel se chargeant de réguler sa population.
En préservant des zones sauvages au sein même de nos jardins, en diversifiant au maximum nos cultures, en créant des abris susceptibles d’attirer et d’héberger une grande diversité animale, nous mettons tout en œuvre pour que les différentes populations trouvent naturellement un équilibre… pour le plus grand bien de nos cultures.
Éloigner plutôt que tuer
Même si certains d’entre-vous trouveront probablement là aussi que je radote, je ne le répèterai jamais assez : tuer un animal crée en général finalement plus de déséquilibres qu’autre chose.
Aussi, dans une approche se voulant résolument écologique, au-delà de cette recherche perpétuelle d’équilibres naturels, la seule option possible est d’éloigner…
Comment ? Simplement avec des répulsifs naturels (j’en présente quelques-uns, des plus efficaces, dans Mon Potager au Naturel).
Crédit photo image à la une et abeille : https://depositphotos.com/fr/





