L’urine, de l’or liquide au jardin ?

L’urine n’est pas autorisée en agriculture biologique.

Pour cette raison, je ne me suis personnellement jamais penché réellement sur la question.

J’utilise néanmoins l’urine pour mes cultures, indirectement…

En effet, je fertilise naturellement (façon élégante de dire que j’urine) certaines zones du jardin.

Et ces zones sont de fait colonisées par les orties (qui se développement facilement dans une terre très riche en azote, ce qui est le cas en urinant toujours au même endroit).

J’utilise ces orties pour fabriquer mon purin ou en épandant des feuilles au fond des certains trous de plantations.

Mais alors, qu’en est-il de l’urine comme engrais naturel ?

Pour développer ce sujet, j’ai le plaisir d’accueillir aujourd’hui Renaud de Looze, auteur de “L’urine, de l’or liquide au jardin“.

Interview de Renaud de Looze, auteur de “L’urine, de l’or liquide au jardin”

Gilles : Bonjour Renaud. Pour commencer pourrais-tu te présenter ?

Renaud : J’ai fait des études d’ingénieur, mais j’ai rapidement réorienté ma carrière en créant en 1995 la Palmeraie des Alpes, une pépinière spécialisée en plantes méditerranéennes rustiques (on ne parlait pas de réchauffement climatique à l’époque)

 

Gilles : comment est né chez toi cet intérêt pour l’urine en tant que fertilisant ?

Renaud : depuis le début j’ai toujours chercher à recycler les excédents de la production, en particulier les déchets verts.

Je me suis intéressé à tous les déchets, j’ai tout testé : déchets animaux , excréments animaux et humains, déchets de cuisine, lombricompost, jus de plateforme de compostage, etc.

Je cherchais à recycler pour trouver une solution qui soit aussi efficace  qu’un engrais du commerce.

J’ai abouti à l’Humure Liquide : un extrait minéral  % naturel. Mais coûteux à produire.

La plateforme de compostage de Voreppe qui produit du compost bio, m’a demandé de faire des essais avec leurs compost (c’est dans le livre) et aussi avec leur jus de compost.

Ce fut décisif car là je tenais un engrais (le jus) et un amendement organique (le compost), tous deux issus des mêmes déchets, mais à des stades différents de maturité : compost mur et stable (peu propice à « rendre » les minéraux ») et le jus organique frais (et toxique pour les plantes si trop concentré) mais minéralisable (assimilable par les plantes) rapidement.

J’ai donc cherché d’autres jus organiques issus de recyclage, je pensais bien à l’urine car elle contient de l’urére. Jusqu’à ce que je tombe sur les résultats de l’Eawag à Zurich (Bastian Etter préface mon livre), depuis, je travaille en réseau avec les acteurs sur le sujet : les prestataires en assainissement écologique (https://www.rae-intestinale.fr/), l’entreprise de Bastian Etter (https://vuna.ch/urin-recycling-technologie/) et l’équipe OCAPI (https://www.leesu.fr/ocapi)

 

Gilles : quels sont, selon toi, les principaux intérêts de l’urine comme fertilisant ?

Renaud : un rapport C/N faible… ce qui veut dire que l’urine libère très rapidement les minéraux (80 % de nos minéraux ingérés sont ainsi recyclés).

Azote et Phosphore, sont les plus complexes à trouver dans la nature. L’azote organique coûte 10 à 20 fois plus cher que l’azote minéral…

Et ici il est gratuit et permet d’éviter une pollution de l’eau potable.

Quant au Phosphore, c’est le seul qui soit naturel et soluble dans l’eau (donc assimilable). Les gisement de phosphore sont limités sur terre.

C’est l’urine des êtres vivants qui est le gisement durable de phosphore désormais. https://blog.defi-ecologique.com/urine-agriculture/

 

Gilles : personnellement, du fait notamment de résidus médicamenteux, j’aurais du mal à recommander l’urine (bon personnellement, je ne consomme aucun médicament). Qu’en dis-tu ?

Renaud : l’Eawag a clairement démontré que les résidus médicamenteux étaient très rapidement dégradés lors de la minéralisation de l’urine (voir annexe du livre).

De plus le compost abrite une faune capable de décomposer ces fameux résidus.

 

Gilles : j’ai une autre réticence (et c’est là l’une des raisons principales de l’interdiction de l’urine en bio):  les risques d’accumulation de nitrates pouvant résulter d’épandage excessif d’urine. Qu’as-tu à m’objecter à cela ?

Renaud : J’ai proposé des doses et fréquences légères minimales (compatible agriculture biologique) pour éviter tout risque de ce côté-là.

Terre Vivante a fait des essais (voir postface de mon livre). Ils confirment que les dilutions proposées sont celles qui présentent le moins de nitrates dans le sol et les végétaux.

 

Gilles : d’autres impacts négatifs sur l’environnement sont-ils à craindre ?

Renaud : comme pour tout engrais… éviter les surdoses.

L’idéal, un peu (bien dilué), souvent (espacer d’au moins une semaine le temps que l’urine se transforme dans le sol)

 

Gilles : y a t’il des risques sanitaires à consommer des légumes fertilisés avec l’urine ?

Renaud : dans le cas de personnes souffrant d’infections urinaires il y aurait un risque (faible).

Par contre les matières fécales sont plus dangereuses à manier, je ne traite pas le sujet dans mon livre, car moins intéressant d’un point de vue fertilisation.

 

Gilles : succinctement, quelles recommandations ferais-tu à un jardinier envisageant d’utiliser de l’urine dans son potager ?

Renaud : indispensable pour obtenir des fruits ou légume-fruits (poivrons) de qualité. Un sol bien amendé est une condition minimum, l’urine est un plus en qualité et en quantité.

 

Gilles : l’urine n’est pas autorisé en bio. Une évolution est-elle envisageable ?

Renaud : l’équipe OCAPI y travaille pour la France, RDV aux prochaines intestinales pour voir les avancées: https://www.rae-intestinale.fr/2019/02/04/rencontre-annuelle-2019/

 

Gilles : souhaiterais-tu ajouter quelque chose ?

Renaud :

  • l’urine est notre déchet quotidien le plus important en poids et en volume : 2 litres/personne/jour
  • Ce déchet pollue 10 à 20 fois ce volume en eau potable
  • La totalité des minéraux contenus dans l’urine sont assimilables très rapidement par les plantes
  • Le sol amendé en compost permet de traiter efficacement l’urine, de compléter ses apports et de dégrader les résidus médicamenteux (alors que les stations de traitement de l’eau ne traitent pas ces mêmes résidus qui finalement peuvent être absorbés par les poissons)
  • En Suisse l’urine (stabilisée naturellement) est commercialisée
  • l’urine d’une personne peut fertiliser 400 m² et assurer une autonomie alimentaire à base de végétaux
  • C’est un geste écologique simple, à comprendre et mettre en œuvre.

 

Gilles : Merci infiniment Renaud. J’invite vivement ceux et celles qui souhaitent en savoir plus à lire ton guide pratique. C’est franchement très intéressant. Personnellement, j’ai pu ainsi remettre en question certaines idées préconçues… et je n’exclus désormais plus de tester cette pratique dans mon potager.

Mon opinion sur l’urine au potager

Urine, de l'or liquide au jardinLes minéraux contenus dans l’urine étant directement assimilables par les plantes, on parle bien ici d’un engrais (tout comme le purin d’ortie par exemple), en opposition à un amendement (voir ici).

Et, en aucun cas, un engrais ne peut se substituer à l’enrichissement d’un sol par des apports de matières organiques.

L’urine n’est donc, comme le dit Renaud, qu’un plus en complément d’un sol correctement amendé.

L’intérêt écologique du recyclage de l’urine est aussi indéniable.

Vous pouvez commander “l’urine, de l’or liquide au jardin” en cliquant ici.

Si vous avez aussi une certaine expérience en matière d’utilisation de l’urine au jardin, n’hésitez pas à partager dans les commentaires ci-dessous.

 

 

S’abonner
Notification pour
guest
18 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
    0
    Votre panier
    Votre panier est videRetourner sur la boutique
      Calculer les frais de livraison