Les collemboles, auxiliaires du jardinier ou ravageurs ?

Les collemboles, ces petits animaux méconnus, présents dans le sol, sous les feuilles mortes ou encore dans les serres, suscitent des interrogations quant à leur impact sur les cultures et les écosystèmes.

Aussi, affirmons-le de suite haut et fort : ils jouent un rôle écologique majeur.

Mais certains les considèrent pourtant encore comme de dangereux “nuisibles” à éradiquer… Probablement par ignorance.

Alors, essayons de lever quelque peu ce voile d’ignorance.

Qui sont les collemboles ?

Les collemboles sont de petits arthropodes (famille regroupant les animaux munis d’un squelette externe et de pattes articulées) terrestres. Ils sont parmi les habitants les plus abondants des sols et jouent un rôle essentiel dans les écosystèmes.

Leur présence est un indicateur clé de la santé du sol.

Description et morphologie

Les collemboles mesurent généralement entre 0,2 et 6 mm de long, bien que certaines espèces tropicales puissent atteindre 10 mm. Leur corps est souvent allongé ou globuleux, selon l’espèce, et recouvert de fines soies ou d’écailles. Ils possèdent :

  • Trois paires de pattes, ce qui les distingue des insectes qui, bien qu’étant leurs proches cousins, ont une morphologie plus évoluée.
  • Des antennes segmentées, qui leur permettent de détecter leur environnement.
  • Un appareil buccal caché dans une cavité interne.
  • Une furca, une structure en forme de fourche située sous l’abdomen chez certaines espèces, leur permettant d’effectuer des sauts, notamment pour échapper aux prédateurs.

Cycle de vie et reproduction

Les collemboles ont un cycle de vie court, généralement de quelques semaines à quelques mois, ce qui leur permet de se reproduire rapidement en conditions favorables. Ils pondent de minuscules œufs directement dans le sol ou sous la litière organique. Leur développement passe par plusieurs mues successives, et contrairement aux insectes, ils ne subissent pas de métamorphose complète.

Habitat et répartition

Ces petits arthropodes sont présents dans presque tous les écosystèmes terrestres : forêts, prairies, jardins et même environnements extrêmes comme les glaciers ou les grottes.

Cependant, ils affectionnent particulièrement les sols riches en matière organique et en humidité. Dans un sol fertile, on peut trouver plusieurs dizaines à plusieurs centaines de milliers de collemboles par mètre carré !

Les différentes espèces de collemboles

Collembole Orchesella villosa
Gros plan sur un collembole microscopique, Orchesella villosa, dans le jardin.

Il existe environ 8 000 espèces de collemboles dans le monde (plus de 2200 en France), réparties en plusieurs groupes principaux selon leur morphologie et leur mode de vie :

  • Collemboles épigés : ces espèces vivent en surface du sol et sont souvent visibles sur la litière forestière ou sur les plantes. Exemples : Orchesella villosa, Orchesella flavescens, Orchesella cincta, Entomobrya multifasciata.
  • Collemboles eu-édaphiques : adaptés à la vie souterraine, ils évoluent dans les couches profondes du sol et sont rarement visibles. Exemples : Tullbergia granularis, Protaphorura armata (celui présenté sur la photo à la une de cet article)
  • Collemboles hémisubterrains : ils vivent à la fois en surface et sous terre, jouant un rôle clé dans la décomposition organique. Exemples : Folsomia candida, Isotoma viridis.
  • Collemboles aquatiques : certains collemboles sont adaptés aux milieux humides et aquatiques, se déplaçant à la surface de l’eau grâce à la tension superficielle. Exemple : Podura aquatica.

Importance écologique des collemboles

Les collemboles sont des décomposeurs primaires, jouant un rôle essentiel dans la fragmentation de la matière organique. En consommant champignons, bactéries et déchets végétaux, ils accélèrent le recyclage des nutriments et favorisent la fertilité des sols. Leur présence est donc souvent un bon indicateur de la qualité et de la biodiversité d’un sol sain.

Ainsi, bien que discrets, les collemboles sont des acteurs clés du cycle biologique du sol…

Le rôle bénéfique des collemboles au jardin

Les collemboles sont des auxiliaires précieux pour le jardinier, bien qu’ils soient souvent ignorés en raison de leur petite taille et de leur discrétion. Leur présence est un signe de bonne santé du sol, car ils participent activement à son équilibre biologique et à sa fertilité. Voici les principaux bienfaits qu’ils apportent au jardin.

Accélérateurs de la décomposition de la matière organique

Collembole Orchesella flavescens
Collembole Orchesella flavescens sur du bois.

Les collemboles jouent un rôle clé dans le processus de décomposition en se nourrissant de matières organiques en décomposition, comme les feuilles mortes, le bois en décomposition et les résidus végétaux. Ils consomment également des champignons et des bactéries, contribuant ainsi à la fragmentation et à la transformation des matières organiques en humus.

Ce travail facilite la libération des nutriments essentiels (azote, phosphore, potassium), rendant ces éléments plus accessibles aux plantes. Grâce aux collemboles, la matière organique du sol est recyclée plus efficacement, ce qui enrichit le sol naturellement et réduit le besoin d’engrais chimiques.

Amélioration de la structure et de l’aération du sol

En se déplaçant dans la litière et les premières couches du sol, les collemboles contribuent à son aération. Ils creusent de minuscules galeries, ce qui favorise l’infiltration de l’eau et de l’air, réduisant ainsi le compactage du sol.

Un sol bien aéré permet aux racines des plantes de mieux se développer et favorise l’activité d’autres organismes bénéfiques, comme les vers de terre et les bactéries du sol.

Régulation des populations de champignons et de bactéries

Les collemboles se nourrissent principalement de champignons et de bactéries. Cette consommation limite la prolifération excessive de certaines espèces fongiques, évitant ainsi le développement de pathogènes responsables de maladies racinaires chez les plantes (comme le Pythium ou le Fusarium).

En équilibrant les populations microbiennes du sol, les collemboles participent ainsi à la prévention naturelle des maladies, réduisant le besoin de traitements antifongiques au jardin.

Indicateurs de la qualité du sol

Les collemboles sont extrêmement sensibles aux perturbations environnementales, notamment aux pesticides, à la pollution et aux modifications du taux d’humidité du sol. Leur présence en nombre est donc un excellent indicateur d’un sol vivant et en bonne santé. À l’inverse, une diminution significative de leur population peut signaler un sol dégradé ou appauvri.

Interaction avec d’autres auxiliaires du jardin

Les collemboles font partie intégrante de la chaîne alimentaire du sol et servent de nourriture à de nombreux autres auxiliaires du jardin, comme les carabes, les acariens prédateurs, les araignées et certains oiseaux insectivores. En favorisant leur présence, on encourage indirectement un équilibre naturel dans le jardin, limitant la prolifération de nuisibles sans recourir aux pesticides.

Grâce à leur rôle dans la décomposition, l’aération du sol et la régulation des micro-organismes, les collemboles sont des alliés précieux du jardinier. Leur présence contribue à un sol fertile, sain et équilibré, réduisant le besoin d’interventions humaines pour maintenir un bon état du sol. Plutôt que de les considérer comme de simples habitants du sol, je vous invite à les voir comme des acteurs essentiels du bon fonctionnement des écosystèmes du jardin.

Les collemboles, des nuisibles potentiels ?

Bien que les collemboles soient majoritairement bénéfiques pour le sol et la santé des plantes, certaines situations particulières peuvent amener les jardiniers à les considérer comme des nuisibles. Leur impact négatif reste cependant limité et généralement lié à des déséquilibres environnementaux.

Peuvent-ils s’attaquer aux plantes ?

Contrairement à certains insectes pouvant engendrer de réels ravages, comme par exemple les pucerons, les aleurodes ou les thrips, les collemboles ne s’attaquent pas directement aux plantes en bonne santé. Leur régime alimentaire est principalement composé de matière organique en décomposition, de champignons et de bactéries.

Toutefois, certaines espèces opportunistes peuvent causer des dégâts lorsqu’elles sont en surnombre et que leur nourriture habituelle vient à manquer.

Dans ces conditions, elles peuvent :

  • Grignoter les jeunes plantules et les semis, en particulier dans un sol très humide et riche en matière organique fraîche.
  • S’attaquer aux racines fragiles des plantules et des boutures, notamment en serre ou sous abri.
  • Endommager certains fruits en contact avec le sol, en se nourrissant des tissus en décomposition (ex. fraises trop mûres ou abîmées).

Cependant, ces attaques restent relativement rares et concernent surtout des situations où l’équilibre du sol est perturbé.

Conditions favorisant leur prolifération excessive

Une augmentation soudaine de la population de collemboles peut être observée lorsque certaines conditions sont réunies :

  • Humidité excessive : les collemboles se développent dans un sol humide et mal drainé. Une irrigation excessive ou un sol mal aéré peut favoriser leur prolifération.
  • Accumulation de matière organique fraîche : un excès de compost mal décomposé ou un paillis trop humide peut attirer un grand nombre de collemboles.
  • Manque de prédateurs naturels : un sol appauvri en biodiversité peut voir certaines espèces de collemboles proliférer en l’absence de régulation par leurs prédateurs naturels (acariens, carabes, araignées).
  • Culture en serre ou en intérieur : en l’absence de prédateurs et avec des conditions favorables (chaleur, humidité, substrat riche), les collemboles peuvent se multiplier rapidement et causer des dommages aux jeunes pousses.

Faut-il lutter contre les collemboles ?

Dans un sol équilibré, les collemboles ne représentent pas une menace. Leur présence est même un indicateur de bonne santé écologique.

Par ailleurs, ils ne transmettent pas de virus aux plantes.

De plus, ils n’ont pas d’impact à long terme sur la croissance des plantes, sauf en cas de conditions extrêmes de prolifération.

Aussi, si leur population devient trop importante et cause des dommages aux cultures, plutôt que de chercher à éradiquer des organismes vivants indispensables à la biodiversité, nous agirons sur les causes du problème, notamment en cherchant à :

  • Améliorer le drainage du sol afin d’éviter les excès d’humidité ;
  • Favoriser la biodiversité pour limiter leur prolifération ;
  • Rééquilibrer les conditions du sol.

Voyons tout cela plus en détail.

Comment gérer les collemboles au jardin ?

Les collemboles sont donc généralement des alliés du jardinier, mais dans certains cas, leur prolifération peut poser problème, notamment pour les semis ou les cultures sous serre. Plutôt que de chercher à les éliminer totalement, l’objectif est de maintenir un équilibre naturel qui limite leur impact négatif tout en conservant leurs bénéfices pour le sol.

Voici quelques stratégies pour gérer leur présence de manière efficace.

Favoriser un équilibre naturel avec des prédateurs

Les collemboles font partie d’un écosystème complexe où ils sont régulés par divers prédateurs. Encourager la biodiversité dans le jardin permet de limiter leur prolifération excessive.

Prédateurs naturels des collemboles :

  • Acariens prédateurs (Hypoaspis miles, Stratiolaelaps scimitus) : utiles en culture sous serre ou en intérieur.
  • Carabes et staphylins : ces coléoptères chassent les collemboles dans le sol.
  • Araignées et pseudoscorpions : efficaces pour contrôler les populations de collemboles en surface.
  • Oiseaux insectivores (rouge-gorge, mésange) : en fouillant le sol, ils consomment des collemboles et d’autres petits arthropodes.

Comment attirer ces auxiliaires ?

Bonnes pratiques pour éviter une prolifération excessive de collemboles

Certains gestes simples permettent d’éviter que les collemboles ne deviennent trop envahissants.

Améliorer le drainage du sol

  • Un sol bien drainé limite l’excès d’humidité, principal facteur de prolifération des collemboles.
  • Ajoutez du sable ou de la perlite aux substrats de culture en pot pour améliorer l’aération.
  • Évitez l’arrosage excessif, surtout en serre ou en intérieur.

Gérer correctement la matière organique

Limiter l’humidité sous serre et en intérieur

  • Aérez régulièrement les serres et tunnels pour éviter une atmosphère trop humide.
  • Espacez les plants pour favoriser la circulation de l’air.
  • Utilisez du paillage sec autour des plantes sensibles pour éviter le contact direct avec l’humidité du sol.

Quand et comment intervenir pour protéger les cultures sensibles ?

Dans la majorité des cas, les collemboles ne causent pas de dommages importants, mais si leur présence devient problématique, voici quelques méthodes pour limiter leur impact :

Pour protéger les semis et jeunes plants

  • Surélevez les semis en pots pour éviter le contact direct avec un sol humide.
  • Saupoudrez de la poudre de diatomée ou du sable fin autour des semis pour créer une barrière physique contre les collemboles.
  • Vérifiez régulièrement l’état des racines et, si nécessaire, transplantez les jeunes plants dans un substrat plus drainant.

Pour réduire leur population en cas de forte prolifération

  • Diminuez les arrosages pendant quelques jours pour assécher légèrement la couche supérieure du sol.
  • Introduisez des acariens prédateurs dans les cultures sous serre pour rétablir un équilibre naturel.
  • En dernier recours, en cas d’invasion incontrôlable par tout autre moyen (ci-avant), utilisez un piège à collemboles : placer une tranche de pomme de terre ou de carotte sur le sol et la retirer après quelques heures, lorsque les collemboles s’y sont regroupés.

Plutôt que d’éliminer les collemboles, l’objectif est de maintenir un équilibre naturel qui limite leur impact sur les semis et jeunes plants tout en conservant leur rôle bénéfique pour le sol. En favorisant la biodiversité et en adaptant certaines pratiques de jardinage (gestion de l’humidité, compostage équilibré, drainage du sol), vous pourrez éviter les déséquilibres et profiter des nombreux bienfaits des collemboles pour un jardin en pleine santé.

Conclusion

Les collemboles sont avant tout des alliés du sol et des cultures. Leur rôle dans la décomposition de la matière organique et l’amélioration de la structure du sol est essentiel à l’équilibre des écosystèmes. S’ils peuvent parfois causer des dommages en conditions spécifiques, leur présence reste généralement bénéfique. Plutôt que de les éradiquer, il est préférable d’adopter des pratiques culturales qui favorisent un équilibre naturel, où les collemboles jouent pleinement leur rôle d’auxiliaires du sol.

Crédit photos : https://depositphotos.com/fr/

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