Nous allons aborder aujourd’hui l’idée de jardin sauvage.
Je vous propose de considérer ce qui pourrait s’apparenter à des dispositifs assez minimalistes, mais qui remplissent une fonction écologique essentielle au jardin en permaculture. Je parle de zones qui, par choix ou par chance, ne nécessitent aucune intervention humaine… Tout du moins aucune intervention qui modifierait les conditions écologiques de manière importante.
De quoi peut-il s’agir dans nos jardins ?
Ce sont les bandes enherbées, spontanées ou non, les couloirs écologiques, les bandes florales, les haies, et les « niches » écologiques (telles que les amas de bois, les tas de paille, les mares).
Des bandes particulières
Les bandes enherbées
Un jardin sauvage intégrera tout d’abord des bandes enherbées.
Ce sont des bandes de terre ou la végétation et la vie qui s’y développe seront laissées spontanément à elles-mêmes.

La plupart du temps, dans nos espaces, ce sera de la prairie de plantes spontanées qui reviendra.
Je ne tonds pas ces endroits… et ne les labourent pas non plus !
Par exemple, il est tout à fait possible de ne faucher ce foin qu’une fois par an… Voire pas du tout.
Cela constituera un abri de choix pour toute une faune auxiliaire, par exemple les taupins (qui du coup laisseront éventuellement vos cultures en paix), les sauterelles et criquets, les fourmis (celles qui vivent dans les systèmes racinaires), les coccinelles, éventuellement les carabes qui adorent passer l’hiver dans les haies.
Il est possible d’intégrer des cultures dans cet espace, comme des arbustes aromatiques ou médicinaux, des plantes médicinales ou tinctoriales vivaces, des arbustes à fruits, ou des fraises des bois.
Une fois ces travaux effectués, il est possible de laisser cet espace à lui-même en surveillant toutefois de temps en temps.
Voici des exemples issus de mon propre jardin, ou une haie de petits arbustes (framboisiers, ronciers et groseilliers) cohabite joyeusement avec des spontanées au développement important, sans pour autant que la production soit compromise.
Elle sera même plus importante que l’année dernière, date où cette zone était encore entretenue.
Le groseillier est envahi par l’ortie, les framboisiers sont gagnés par l’ortie, le gaillet-gratteron, le pissenlit, des graminées sauvages, du coquelicot spontané, entre autres choses.
Cela supprime le besoin de paillage, et du travail du sol bien entendu. Je pense que les couverts vivants, voire pérennes, sont une solution à étudier de très près au jardin bio.
Tous ces arbustes se portent comme des charmes, sans aucune taille ni aucun traitement : récolter, point barre.
Preuve de la vigueur des arbustes et des bienfaits des associations et de la concurrence qu’elles exercent, le framboisier est en train de drageonner très vigoureusement jusque dans les planches de cultures voisines, notamment celle de fraisiers.
J’ignore encore ce que je vais faire de ces drageons. J’ai le choix entre les mettre en pot ou les tuteurer et les laisser en place.
Je penche pour la deuxième solution. D’autant plus que je planterai, à l’automne prochain, des arbres nains et des arbustes fruitiers, directement dans les planches (à large espacement cependant).
Les bandes florales
Ce sont des habitats de premier choix pour toute une faune, notamment pollinisatrice. Là encore, il est possible d’en mettre directement dans les planches de culture, comme cette bourrache arrivant à floraison sur une butte de légumes divers (choux, radis, panais, arroches, laitues).
À l’instar de ce qui se fait avec certaines bio-accumulatrices comme la consoude, il est possible de faucher et d’aller disposer ce mulch sur les planches, ou encore d’en faire des produits dérivés (purins, infusions, baumes, teintures).
Ces plantes non-potagères peuvent même venir enrichir une planche de culture en s’y invitant. Comme dans le cas de repousses de couverts des cultures précédentes.
J’ai eu la belle surprise de revoir du sarrasin, du trèfle et de la phacélie revenir au beau milieu de mes fraises.
Je note que les fraisiers se portent remarquablement bien au contact de ce couvert. Je les laisserai donc se ressemer ou s’installer naturellement et attendrai de voir la manière dont ça évolue.
Les « Niches »
J’appelle niche des espaces spécialement aménagés pour l’épanouissement de la faune et laissés en place sans bouleversement. Je n’ai pas construit « d’hôtels à insectes ». Je considère que la faune est suffisamment expérimentée pour les construire elle-même, sans aucune intervention de notre part…
C’est histoire de donner un petit coup de pouce.
Il est possible d’employer tout un tas de matériaux, ce qui peut même servir à les recycler : tas de bois, tas de cailloux ou de briques, tas de paille sur des murs exposés (donc chauds). Il est intéressant d’en placer, pourquoi pas, au pied des arbres, en utilisant judicieusement les produits de taille, lorsqu’il y en a.
J’ai remarqué que, dans ces zones d’habitat légèrement aménagé, la végétation est très « poussante ».
Les zones sans intervention
Dans une perspective d’observation, il est très intéressant de laisser certaines zones vierges de toute intervention humaine… Si l’espace le permet.
Laisser se développer la végétation spontanée va permettre de concentrer les bienfaits supposés abordés depuis le début de cet article. À savoir l’augmentation et le maintien de la biodiversité végétale, animale et fongique.
D’autre part, cela va vous permettre de faire plus précisément votre bio-indication. Ceci à l’aide des plantes caractéristiques qui poussent dans votre lieu.
Enfin, si vous laissez cette zone vierge d’intervention pendant une longue période, voire définitive, vous allez pouvoir observer le cycle de succession et ses variations dans le temps.
Il est même possible de voir apparaître de très bonnes surprises, comme des plantes médicinales sauvages ou des bio-indicatrices… Des plantes intéressantes à remarquer, surtout lorsqu’elles se développent pour la première fois.
Le non-interventionnisme est un sujet que je trouve vraiment passionnant.
Peut-être est-ce l’occasion de partager ?
Faites-vous appel à ce genre de dispositifs ? Comment ?
J’espère en tout cas vous avoir donné envie de créer ou d’aménager un jardin sauvage.
Bonne continuation, et à bientôt !
Voici un article plein de bon sens, comme souvent sur ce site. J’ai moi-même pu constater depuis plusieurs années les bienfaits de tous ces conseils, y compris sur les massifs floraux. Un jardin riche, varié, diversifié, naturel et sans aucun traitement permet de lutter contre un grand nombre de « nuisibles » et de maladies sans beaucoup d’effort ! Ce qui permet de dégager du temps pour… jardiner ! Parce que, tout de même, le jardinier est fait pour jardiner, pas pour désherber ou traiter !
Cela dit, il faut noter que ça ne vas pas de soi pour tout le monde et que ça peut même soulever de l’hostilité de la part, notamment, des voisins. Les miens sont par exemple peu sensibles à la biodiversité et aux bienfaits du « sauvage » dans les jardins. Des « vos mauvaises herbes vont monter en graines et vont envahir mon jardin » ou des « y a le lierre qui va gagner chez moi », j’en entends tout le long de l’année. Expliquer, argumenter, ça fonctionne jusqu’à à un certain point. Mais avec le voisin adepte de la pelouse parfaitement taillée deux fois par semaine et des haies de thuyas proprettes, ça provoque parfois des tensions… S’il savait en plus que je ne tue aucun escargot et que je laisse les pies et les merles nicher dans mes arbres, à deux pas de son cerisier, il deviendrait fou…
Je ne connais pas bien la règlementation concernant l’entretien des terrains privés (la jurisprudence semble diverse et variée !), mais je sais aussi que certains rencontrent des difficultés quand il s’agit de laisser simplement pousser des chardons ou des orties dans son jardin. Les maires sont parfois un peu tatillons (sous la pression du voisin « pelouse et thuyas bien taillés », notamment)
Enfin, malgré toute notre bonne volonté, il y a des choses qu’on oublie vite et des (mauvais) réflexes contre lesquels on doit lutter : accepter des petits tas de bois pour héberger les petits animaux, privilégier les plantes indigènes, laisser pousser du liseron, etc., ce n’est pas si évident ! Quand on se lance un jour de beau soleil, on est vite tenté par un arrachage ou un nettoyage total du jardin ! Il faut parfois se faire violence avant d’accepter des choses qui font « sales » ou « négligées ». Pour ma part, je mets ça sur le compte de l’éducation (mon père est un adepte du désherbage chimique) et de la pression sociale (une voisine me raconte souvent ses séances « désherbage » : j’ai presque honte de n’en faire presque jamais…).
Ce qui est dommage, c’est que les institutions d’Etat ne favorise pas plus ces démarches alors qu’on sait très bien qu’une des voies d’avenir pour la protection de la nature c’est de la faire revenir, notamment, dans les jardins des particuliers. Subventionner la plantation de haies sauvages (ça se fait dans quelques parcs régionaux), ce serait par exemple une exemple initiative.
Bonjour
votre article tombe a point,justement au lieu de couper “l’herbe”autour de mes fruitiers et autres j’avais envie de la laisser pousser et de voir l’évolution.
Les niches écologiques ne manquent déjà pas dans mon jardin mais je vais tenter d’en conserver davantage.a suivre.Merci pour votre partage,je crois qu’il est intéressant d’explorer chaque jour de nouvelles manières de faire et d’en apprendre toujours plus sur une évolution avec de moins en moins d’intervention humaine.
amicalement
Bonjour Flo,
Je suis d’accord avec vous. J’ai eu une conversation téléphonique cette semaine avec Aurélien du forum du jardinier bio, et nous avons parlé de ça: On s’apercoit tous les deux que le champ d’expérimentation et de partage offert aux jardiniers naturels est virtuellement infini.
Toutes les conditions sont là: Peu de surface, aucune exigence de production commerciale, un accès facile aux matériaux (compostage, BRF, pailles, foins, semences…), une facilité de mettre des parcelles d’essais, et des compétences de plus en plus répandues, expliquées et disponibles pédagogiquement via les échanges internet (apprendre à bouturer, greffer, multiplier, stratifier, scarifier…).
Du coup, je vous emboîte les pas: C’est important de faire part de chacune de nos expériences, heureuse ou non, pour que l’ensemble des jardiniers intéressés puissent en bénéficier, et nos enfants après nous.
Je ne suis pas loin de penser que les potagers de France et d’ailleurs sont une belle entaille dans l’agro-industrie et l’agro-chimie, sur un plan concret (productions vivrières ET plans théorique et expérimental).
Merci encore à Gilles de nous offrir cette tribune !
Avec mes amitiés,
Benoît
Bonjour Benoit et bonjour Gilles,
Voici un article qui m’intéresse énormément et qui rappel qu’un jardin-potager bio est avant tout un espace qui se doit d’être le plus diversifié possible. D’autant que : plus un jardin, un environnement dans son ensemble est diversifié et plus ce lieu sera protégé et équilibré. A condition bien sûr de laisser faire la nature, la laisser s’installer mais aussi de ne pas venir bouleverser ces équilibres par nos interventions.
Merci de votre partage, c’était un plaisir de vous lire
Amicalement
Yannick Hirel
Bonjour Yannick,
C’est en effet il me semble le premier facteur de santé: De la diversité, de la densité, et de la masse vivante.
Seulement, sans doute n’ai-je pas l’aisance de rendre spontané l’intégralité de mon potager, mais ce n’est sans doute pas si simple que simplement “laisser-faire”, du moins pas dans un espace potager, de production type zone 1.
Il reste beaucoup de travail, notamment d’observation, et surtout d’abstention, dans le sens de s’abstenir de faire appel aux solutions premières, les plus rapides, qui nous viendraient le plus aisément à l’esprit, comme de simplement désherber. Mais du coup, ce n’est plus vraiment du travail !
D’où mon idée (pour tout ce qui est de la gestion de l’enherbement), d’installer des couverts permanents à faible développement sous le paillage de matière morte. Actuellement je pense au trèfle (blanc et incarnat), aux fraisiers sauvages, à la roquette sauvage. D’une pierre, trois coups: Un couvert vivant en permanence, une aggradation du milieu, un gîte et un couvert pour la faune, des productions de légumes sans enherbement (ou du moins d’un enherbement que moi je peux gérer) et une fertilisation continue.
D’autant plus que, je pense, un paillis vivant est aussi bon qu’une vraie paille morte pour la rétention hydrique, le ressuyage printanier et le réchauffement du sol en mars/avril.
Je verrai bien, ce sera sans doute mon prochain article.
Avec mes amitiés !