Votre terre est acide ? Pas de panique : c’est fréquent, et il existe des solutions simples pour jardiner sereinement sans forcer la nature.
Dans cet article, je vous montre comment reconnaître une terre acide, confirmer le pH du sol avec des tests fiables, éviter les erreurs courantes et corriger en douceur quand c’est utile. Vous trouverez aussi une liste claire de plantes acidophiles et des pistes pour enrichir durablement le sol.
Nous verrons d’abord les causes possibles (lessivage, apports azotés, sols très humifères), puis quand il est pertinent d’agir, et enfin comment améliorer le pH au jardin : humus, engrais verts et amendements calcaires raisonnés.
Qu’est-ce qu’une terre acide ?
Pour commencer, sachez que la connaissance du sol est une donnée fondamentale dans un potager en permaculture. Et cela passe, entre autres, par la détermination du degré d’acidité du sol.
Cette acidité se mesure sur une échelle (basée sur la présence d’ions H+) allant de 0 à 14, appelée pH (Potentiel Hydrogène) :
- Avec un pH en dessous de 7, nous parlons d’une terre acide ;
- Elle est neutre si le pH est égal à 7 (on peut élargir de 6.5 à 7.5, des pH très proches de la neutralité)
- Et si le pH est supérieur à 7, la terre est dite basique (ou calcaire).
Pour un développement optimal de la plupart des plantes, un pH entre 6 (terre faiblement acide) et 7.5 (terre légèrement calcaire) sera idéal. Toutefois certaines plantes, justement dites acidophiles, préféreront une terre avec un pH inférieur à 6…
Et remédier à une acidité de la terre demeure possible, comme nous le verrons plus loin.
Causes d’acidification d’un sol
L’acidification d’une terre est souvent la conséquence :
- De fertilisations chimiques, et en particulier ammoniacales ;
- D’un lessivage des éléments minéraux, soit parce que le sol est laissé nu, soit par excès d’arrosage ;
- De fertilisations organiques (mais dans ce cas, une légère acidification est normale, et non-problématique, comme nous le verrons plus loin) ou minérales acides (urine, purin d’ortie… dont il convient de ne pas abuser)
Reconnaître une terre acide
Avant de corriger quoi que ce soit, je vous propose d’observer, puis de confirmer. Trois niveaux complémentaires : les plantes « bio-indicatrices », un test maison rapide (bicarbonate = indicateur), et une mesure fiable au pH-mètre ou par analyse.
Plantes bio-indicatrices
Quand certaines espèces dominent spontanément, elles suggèrent un sol acide. L’observation se fait à l’échelle de la parcelle (présence en masse), et se croise avec le contexte (humidité, ombre, texture du sol).
- Bocage, lisières et sous-bois : châtaignier, fougère aigle, bruyères (Erica, Calluna).
- Landes et terrains pauvres : genêt à balai, bruyère.
- Prairies et talus secs : petite oseille, pensée sauvage, camomille romaine.
- Zones fraîches à humides : jonc commun, carex.
- Adventices de cultures : rumex à feuilles obtuses (voir ma fiche).
Ces indices orientent le diagnostic, mais ne remplacent pas une mesure. Un sol asphyxié ou très lessivé peut “imiter” l’acidité : confirmons avec un test.
Tests simples à la maison (bicarbonate = indicateur)
Le test au bicarbonate donne un indice rapide d’acidité. Il s’utilise sur un échantillon composite (mélange de plusieurs prélèvements) prélevé entre 0 et 20 cm de profondeur.
- Prélevez 5 à 10 carottes de terre réparties sur la zone, retirez cailloux et débris, mélangez finement.
- Déposez une cuillère à café de terre dans une coupelle et humidifiez avec un peu d’eau déminéralisée (pH neutre).
- Saupoudrez de bicarbonate de soude : une effervescence nette indique une terre acide.
- Refaites le test à 2–3 endroits différents pour lever les doutes.
Interprétez avec prudence : le test est indicatif (qualitatif), sensible à l’humidité et à la texture. Pour décider d’un éventuel ajustement, mesurez le pH de façon reproductible.
Tests fiables : analyse, pH-mètre calibré
Pour un chiffre solide, deux options : confie un échantillon à un laboratoire (pH, parfois CEC et bases échangeables), ou mesurer vous-même au pH-mètre (solution la plus pratique à long terme).
Il existe également des systèmes à bandelettes pour mesure le pH d’un sol. Elles s’avèrent souvent peu fiables…
Astuce suivi : notez la date, la météo des jours précédents, le type d’échantillon et la méthode. La régularité du protocole vaut autant que l’appareil : c’est elle qui rend vos mesures comparables.
Effets d’un sol acide sur les cultures
Vie du sol, minéralisation et carences
Dans une terre vraiment acide, la vie du sol est fortement perturbée.
Vous aurez ainsi du mal à y trouver des vers de terre… Et les micro-organismes vivant dans le sol (champignons, bactéries…) auront une activité considérablement ralentie.
Ce qui entraînera potentiellement une mauvaise assimilation des éléments minéraux (azote, potassium, phosphore, oligo-éléments…) par les plantes… Et donc des carences et une faible croissance des végétaux.
Ces plantes, manquant de vitalité, seront également plus sujettes aux maladies ou aux attaques animales…
Disponibilité des oligo-éléments et métaux
Ajoutons à cela qu’en sol acide les ions métalliques sont facilement absorbés par les plantes. Ainsi, pour peu qu’ils soient présents dans le sol, des métaux polluants comme le plomb, le cadmium ou le mercure risquent alors de se retrouver dans vos fruits et légumes… Bon, pas de panique : à moins que votre jardin se situe à l’emplacement d’une ancienne usine ou d’une déchetterie, ces métaux seront rarement présents en quantités significatives.
Nous verrons plus bas comment remédier à une acidité excessive du sol, mais sachez déjà que certaines plantes s’épanouissent au contraire parfaitement dans une terre acide…
Faut-il toujours corriger le pH ?
pH bas avec réserve calcique : question de disponibilité
Un sol peut contenir du calcium mais en libérer peu : on parle de disponibilité (complexation, saturation en H+, matières organiques fraîches, excès d’eau…).
- Avant d’ajouter du calcaire, améliorez la structure (humus stable, couverture) et la biologie du sol.
- L’analyse de sol (CEC, saturation) aide à comprendre ces blocages.
Certains sols ont un pH bas (inférieurs à 7) tout en étant riches en calcium.
Simplement, ce calcium n’est pas libéré dans le sol, souvent à cause de blocages. Apporter des amendements basiques dans ce type de sol ne ferait dès lors que perturber un peu plus la vie microbienne…
Les plantes suivantes, lorsqu’elles dominent, indiquent probablement une telle terre : capselle-bourse-à-pasteur, sauge des prés, ravenelle, érable champêtre…
Dans ce cas, abstenez-vous de chercher à relever le PH avec des amendements calcaires… Enrichissez plutôt votre terre comme nous le verrons plus bas.
Sols très humifères : acidité « normale »
Une terre fortement pourvue en humus a souvent un pH acide… C’est normal.
Ce type de terre est riche et permet naturellement de belles récoltes de toutes sortes de fruits et légumes.
Là aussi, des amendements calcaires ne seront d’aucune utilité.
La nature rééquilibre souvent avec le temps
Une plante n’apparaît jamais spontanément par hasard…
Et c’est également le cas des plantes acidophiles.
En se développant, elles auront naturellement tendance à rééquilibrer le PH… C’est alors juste une question de patience (quelques années).
Élargir les possibilités de cultures en terre acide
Enrichir en humus : compost, fumiers, paillis
Comme nous venons de le voir, un sol humifère, bien qu’ayant potentiellement un pH acide, permettra de cultiver la plupart des plantes. Même celles normalement plutôt adaptées aux sols calcaires.
Dès lors, et c’est là de toute façon une recommandation que je ne cesserai de faire, votre objectif devra être d’amender la terre de votre jardin par des apports adaptés.
En terre acide, des apports de compost et de fumiers (plutôt du fumier de cheval – celui de vache étant plus acide) seront particulièrement utiles.
De même, une couverture du sol avec un BRF d’arbres feuillus (n’utilisez pas de conifères dans cette situation), de paille, ou encore de feuilles mortes, contribuera à l’humification progressive (mais durable) de la terre de votre jardin.
Engrais verts « correcteurs de pH » (lupin, sarrasin, mélilot…)
Outre leur action bénéfique sur la structure du sol, certains engrais verts ont la capacité de rectifier le pH d’un sol.
C’est notamment le cas du lupin, du millet, du mélilot ou encore du sarrasin.
Relevez le pH avec des amendements calcaires
Les solutions qui précèdent, moins coûteuses, et surtout sans risque si la terre de votre jardin est basique, mais avec un pH bas, sont à mon sens à privilégier.
Mais les effets sont plus lents…
Dès lors, des amendements calcaires permettront également de relever le pH du sol plus rapidement. Toutefois, ne cherchez pas à aller trop vite…
Il s’agit de calcaire broyé, de dolomie, de marne, de craie, de lithothamne ou maërl (À éviter si possible… Les stocks de ces algues marines s’épuisent). Respectez les fréquences, les doses et modalités d’apports préconisées par les fabricants ou distributeurs de ces amendements… Tout abus pouvant nuire à la santé (du sol) ! En général, ces apports se font en automne ou en début d’hiver. Ils sont enfouis superficiellement au sol par un léger griffage.
Je vous déconseille par contre vivement (jeu de mots…) la chaux, très nuisible à la vie du sol à terme…
Le bicarbonate de soude peut relever le ph d’un sol trop acide. Enfouissez simplement quelques petits tas de bicarbonate ; cela permettra de réduire l’acidité éventuelle de votre sol. Mais attention, mieux vaut commencer avec de petites quantités puis tester à nouveau l’acidité environ 1 mois après l’apport… Sans quoi, vous risqueriez de vous retrouver avec un sol trop calcaire…
Et si vous avez la chance d’en disposer, sachez que les cendres de bois constituent également un amendement calcaire de qualité (et gratuit).
Plantes adaptées à la terre acide
Votre terre est acide ?
Vous pouvez sans problème cultiver des plantes tolérant une acidité raisonnable du sol. Et profitez d’une terre plus fortement acide pour y cultiver des plantes acidophiles (communément appelées « plantes de terre de bruyère ») :
Tolérantes (faiblement acide)
On considère qu’avec un pH se situant entre 6 et 7 (ce qui correspond à une faible effervescence avec le test du bicarbonate) une terre est faiblement acide.
La minéralisation y reste correcte. Et la majorité des plantes s’adapte normalement à un tel pH.
Voici les plantes qui pousseront sans problème (s’il n’y a pas d’autres soucis que le pH) avec ce faible niveau d’acidité :
- Fruits et légumes : ail, asperges, blettes, carotte, choux-fleurs, choux kale, choux de Bruxelles, choux brocolis, concombres, courgettes, échalotes, endives, fraises, framboises, groseilliers, haricots, mâche, navets, panais, poivrons, pommes de terre, radis, rhubarbe, tomates.
- Aromates : basilic, ciboulette, fenouil, oseille, persil, romarin, sauge, thym
- Fleurs : aster, campanules, chrysanthème, dahlias, delphiniums, digitales, glaïeuls, jacinthes, lavande, lupins, pois de senteur, primevères, roses…
Des légumes affectionnant un pH compris entre 6.5 et 7.5, comme les artichauts, les betteraves, les céleris, les choux pommés, les courges, les épinards, les haricots, les laitues, les oignons, les poireaux, ou les pois, peuvent s’avérer légèrement plus difficiles à cultiver dans une terre avec un pH se situant entre 6 et 6.5… Mais si vous amendez correctement votre terre, vous en ferez de belles récoltes.
Acidophiles (terre de bruyère)
Lorsque le pH se situe en dessous de 6 (forte effervescence au test du bicarbonate), la terre est considérée comme très acide.
Et le choix des cultures est alors, à priori, plus limité :
- Fruits et légumes : asperges, carottes, courgettes, échalotes, fraises framboises, groseilles à maquereau, mâche, myrtilles, panais, piments et poivrons, pommes de terre, rhubarbe
- Herbes aromatiques : ciboulette, fenouil, persil, oseille, romarin…
- Fleurs : azalées, camélias, campanules, , cosmos, delphiniums, iris, lis, lupins, rhododendrons…
Les arbres fruitiers n’apprécient en général pas une acidité excessive…
Mais là aussi, si vous enrichissez votre terre de façon durable, vous élargirez sans problème les possibilités de cultures.
| Plante | Catégorie | pH préféré | Tolérance | Note rapide |
|---|---|---|---|---|
| Myrtillier | Fruitier | 4,5 – 5,5 | 4 – 6 | Sol léger, drainé, riche en humus acide. |
| Rhododendron / Azalée | Arbuste ornement | 4,5 – 5,5 | 4 – 6 | Apprécie l’ombre légère et la fraîcheur. |
| Camélia | Arbuste ornement | 5,0 – 6,0 | 4,5 – 6,5 | Redoute l’eau calcaire d’arrosage. |
| Bruyère (Erica/Calluna) | Vivace | 4,5 – 5,5 | 4 – 6 | Paillis acide bienvenu (feuilles, aiguilles). |
| Hortensia | Arbuste ornement | 5,0 – 6,5 | 5 – 7 | Couleur influencée par le pH/aluminium. |
| Fraise | Fruit rouge | 5,5 – 6,5 | 5 – 7 | Humus stable, paillis organique. |
| Framboisier | Arbuste fruitier | 5,5 – 6,5 | 5 – 7 | Déteste l’asphyxie et la sécheresse. |
| Pomme de terre | Légume | 5,5 – 6,5 | 5 – 7 | pH légèrement acide limite la gale. |
| Rhubarbe | Vivace potagère | 5,5 – 6,5 | 5 – 7 | Gourmande en humus et eau. |
| Lupin | Engrais vert / ornement | 5,5 – 6,5 | 5 – 7 | Améliore structure, utile en rotation. |
| Sarrasin | Engrais vert | 5,0 – 6,0 | 4,5 – 6,5 | Capte le phosphore, couvre vite le sol. |
Plan d’action en 4 étapesAvant de corriger, mesurez. Puis agissez graduellement pour préserver la vie du sol.
- 1. Confirmer le pH : mesure reproductible (pH-mètre calibré), moyenne de 2–3 tests.
- 2. Priorité humus : compost mûr, fumiers bien décomposés, paillis (feuilles, BRF feuillus).
- 3. Engrais verts : sarrasin, lupin, mélilot pour améliorer structure et tamponner l’acidité.
- 4. Ajuster si besoin : apports calcaires modérés (dolomie, marne, calcaire broyé), re-mesure à 6–12 mois.
Objectif : élargir les cultures possibles sans brusquer l’écosystème du sol.
Questions fréquentes sur la terre acide
Comment mesurer le pH du sol sans analyse coûteuse ?
En plusieurs endroits de votre jardin, mesurez simplement avec un pH-mètre ou effectuez le test du bicarbonate (donne une indication mais sans précision).
Le test au bicarbonate est-il fiable pour décider d’amender ?
Non, il indique une acidité probable mais ne remplace pas une mesure précise. Servez-vous-en pour orienter, puis confirmez au pH-mètre ou par analyse.
Faut-il toujours corriger une terre acide ?
Pas forcément. Un sol humifère peut être naturellement acide tout en restant fertile. Vérifiez l’impact réel sur les cultures avant d’intervenir.
Quels amendements pour relever un pH bas sans nuire au sol ?
Privilégiez calcaire broyé, dolomie, marne, en petites doses et fractionnées. Évitez la chaux vive.
Les cendres de bois, c’est utile ?
Oui avec parcimonie : c’est alcalin et riche en bases. Épandez de fines couches, loin des jeunes plants, et jamais en gros tas.
Quelles plantes cultiver autour de pH 5,5 ?
Myrtilles, bruyères, rhododendrons, camélias, pommes de terre, fraisiers, framboisiers. Un bon apport d’humus élargit encore les possibilités.
Conclusion
Une terre acide n’est pas un obstacle : avec des mesures fiables, un sol nourri en humus et quelques ajustements doux, vous pouvez cultiver large sans bousculer l’équilibre biologique.
Partagez vos observations en commentaire : votre retour aidera d’autres jardiniers à situer leur sol et à choisir les bons gestes.
Si vous voulez aller plus loin dans une approche simple et durable du potager, je détaille ma méthode pas à pas dans Mon Potager au Naturel.





